Malgré 35 ans d’incarcération, Mumia Abu-Jamal reste journaliste
Et aussi...DÉCEMBRE 2016
Dans l'Humanité
Sorti en 2011 du couloir de la mort, le militant noir américain, désormais condamné à vie, exerce son métier derrière les barreaux.
Il y a trente-cinq ans, le 9 décembre 1981, Mumia Abu-Jamal, qui pratique l’activité de chauffeur de taxi pour gagner sa croûte, vient de déposer un client dans le sud de Philadelphie quand une fusillade éclate. Il est blessé. Non loin, le policier Daniel Faulkner est retrouvé mort.
Ce soir-là, Mumia Abu-Jamal est arrêté, et depuis ne cesse de proclamer son innocence. Avant le procès, le juge Sabo a promis d’aider le jury à « frire le nègre ». A cette fin, des jurés noirs sont écartés. Ils n’auraient pas été partiaux, Mumia Abu-Jamal étant de couleur noire. Cet argument de l’impartialité ne s’applique pas à Sabo, membre de l’Ordre fraternel de la police, ce syndicat mafieux auquel appartenait également Daniel Faulkner.
Six mois plus tard, le 3 juillet 1982, Mumia Abu-Jamal est condamné à mort. Il a fallu la mobilisation internationale pour, en 1995 et 1999, empêcher son exécution, et la persévérance de sa défense pour obtenir une révision de la peine. En 2011, la Cour suprême a estimé que Mumia Abu-Jamal n’a pas eu droit à un procès équitable et a commué sa peine en prison à vie.
Trente ans dans le couloir de la mort
Mumia Abu-Jamal est un prisonnier politique. A la fin des années 1970, journaliste radio, il couvre la répression de la communauté militante noire américaine. Militant des Black Panthers, il exprime les aspirations d’une communauté et devient « la voix des sans-voix ».
Ses trente ans passés dans le couloir de la mort n’ont pas entamé sa détermination. Il continue, derrière les barreaux et par téléphone, de faire son métier sur les ondes de Prison Radio. Il n’est qu’à écouter sa dernière chronique, le 7 décembre, sur le meurtre de Walter Scott, automobiliste de 50 ans, tué dans le dos par un policier. Mumia Abu-Jamal y explique que, au procès, a été produite une vidéo où l’on voit « un homme blanc (qui) charge son arme, et tire, et tire, et tire, huit fois en tout. L’homme noir s’effondre et meurt ». Qu’importe, le policier a été acquitté.
Contre de telles injustices, un mouvement est en plein essor aux Etats-Unis, Black Lives Matter (la vie des Noirs compte). Mumia Abu-Jamal, toujours cinglant, reprend l’expression : « La vie des Noirs ne compte pas (...) et, devinez quoi, les vidéos ne comptent pas non plus quand un homme noir est tué par un Blanc. »
Le 29 novembre, une autre chronique rendait hommage à Fidel Castro, en soulignant l’apport du dirigeant cubain à la pensée du mouvement des Blacks Panthers. Ainsi, plusieurs fois par semaine, le journaliste fait son métier, signant « de la nation emprisonnée, je suis Mumia Abu-Jamal ».
par GAËL DE SANTIS
Le collectif Libérons Mumia organisait une diffusion de Toute ma vie en prison au cinéma La Clef, 34, rue Daubenton, vendredi 9 décembre.
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