I-Télé, la fin du conflit et toujours des questions
La chronique de Claude BaudryJANVIER 2017
Les salariés de la chaîne d’information du groupe Canal Plus ont décidé de la reprise du travail au 31e jour de grève. Au 31e jour d’une grève par sa durée sans précédent dans l’audiovisuel privé, les salariés d’I-Télé ont décidé de mettre fin à leur mouvement à l’unanimité moins deux abstentions. Le conflit a débuté le 17 octobre avec l’arrivée à l’antenne d’une émission animée par Jean-Marc Morandini mis en examen pour corruption de mineurs et corruption de mineurs aggravée.
La rédaction a vu dans cette décision une perte de crédibilité de son travail. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel saisi a constaté des manquements aux exigences d’honnêteté et de rigueur dans le traitement de l’information dans l’émission Morandini Live. Avec un faux duplex pour commencer. Ce qui valut l’une des deux mises en demeure à l’adresse des dirigeants d’I-Télé, avec celle touchant à l’absence de fonctionnement effectif depuis septembre 2015 du comité d’éthique prévu dans la convention de la chaîne chargée de contribuer au respect du principe de pluralisme.
Un plan social masqué
Mais au-delà, c’est bien la résistance à Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi, la maison mère, et de Canal Plus, qui a été révélée. Les salariés d’I-Télé ont vu comment la chaîne Canal Plus a été reprise en mains par Bolloré depuis son arrivée. Et ils ont fait de l’indépendance le cœur de leur lutte. Mardi, la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, a jugé « le conflit vraiment beaucoup trop long ». « Il me semble que les revendications [des salariés] ne sont pas extravagantes », avait-elle ajouté au micro de France Inter, soulignant qu’une « entreprise de médias n’est pas une entreprise comme une autre ».
Hier, la société des journalistes appelait donc à la reprise du travail « dès que le protocole d’accord sera signé ». Les grévistes sortent de ce conflit « éreintés et meurtris mais la tête haute, avec au cœur le sentiment d’avoir tenté de défendre [leur] honneur ». « Nous n’avons pas obtenu le retrait de Jean-Marc Morandini (...) Mais nous avons obtenu des garanties sur l’indépendance de la rédaction. Une charte éthique sera rédigée, dans le cadre de la loi Bloche, dans les quatre mois », précisent-ils.
Mais, au final, 25 journalistes ont annoncé leur départ hier, s’ajoutant à la dizaine déjà en partance. Soit plus d’un tiers de la rédaction. Dès le début de la grève, la direction du groupe avait proposé de faciliter le départ de ceux qui voudraient quitter la chaîne. « On essaiera de remplacer les départs, mais ce n’est pas un engagement à remplacer chaque départ », a déclaré hier le directeur général de Canal Plus, Maxime Saada. Les nombreux départs s’apparentent à « une hécatombe » selon Guillaume Auda, grand reporter, qui se demande « si l’objectif de cette direction, c’est de bâtir un projet sur un champ de ruines ». D’avoir masqué un plan social, c’est sûr. Avant de transformer le nom d’I-Télé en CNews.
Claude Baudry