La S2LH Normandie et le PCF de Sotteville rendent hommage à Jean Jaurès
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Hommage à Jean Jaurès, en Normandie
31 juillet 2018
Mesdames, messieurs, cher(e)s ami(e)s, chers camarades,
Nous sommes réunis aujourd’hui, pour rendre un hommage et commémorer le 104e anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès, comme c’est le cas en ce moment même à Paris, en présence de Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, député au Parlement européen, devant le café du Croissant, dans le 2e arrondissement.
Parler de Jaurès, c’est parler : de l’intellectuel, professeur de philosophie, historien, il a mais notamment écrit une Histoire socialiste de la révolution française de 1789, du journaliste. Du député socialiste du Tarn, de gauche, défenseur des mineurs de Carmaux ou des verriers d’Albi. Du pacifiste qui se battait contre la guerre de 1914 qu’il pressentait, avec les dégâts que l’on connaît. Du fondateur du journal l’Humanité, en 1904.
Jaurès, le pacifiste, a été assassiné le 31 juillet 1914, il y a un peu plus d’un siècle, à Paris, au café du Croissant, à l’aube de la première guerre mondiale qui a été une gigantesque boucherie de plus de quatre ans et contre laquelle il se battait ardemment. Son assassin, un certain Villain, proche des milieux monarchistes et d’extrême-droite, a tué celui qui était l’espoir d’un règlement pacifique du conflit. Ce faisant, il a tué une paix qui était incompatible avec les intérêts de la bourgeoisie et des plus riches.
Jaurès est aujourd’hui pour nous le symbole de la lutte contre la guerre, contre les guerres, il est aussi celui qui s’empara de la question sociale pour faire de la République le régime de tous par tous, le socialisme. Le communisme n’ayant pris une forme organisée qu’en 1920, soit six ans après la mort de Jaurès. Et pourtant, cela n’était pas si évident car Jaurès aurait pu avoir un tout autre destin.
Elu député à 26 ans
Jean Jaurès est né en 1859, à Castres, dans une famille de la petite bourgeoise, quelque peu déclassée par un retour à la terre. Il disposait cependant d’appuis et de soutiens dans les milieux républicains. Elève brillant, il intègre l’Ecole normale supérieure, il est le meilleur de sa génération et est promis à un brillant avenir au sein de l’élite républicaine. En 1885, il est d’ailleurs élu député à 26 ans, le plus jeune de la Chambre. Ses premiers engagements le sont à coté de Jules Ferry et des républicains modérés, il est alors moins à gauche que Clémenceau qui condamne, par exemple, la colonisation. Mais Jaurès est un Républicain sincère qui croit à la raison, qui cherche à analyser les événements, y compris en tenant compte de leurs évolutions, et qui va les vivre et les affronter avec courage.
En 1892, il est scandalisé quand le propriétaire de la mine de Carmaux veut renvoyer l’un de ses ouvriers qui vient d’être élu maire de cette commune du Tarn en battant le gendre dudit propriétaire. Jaurès se lance dans une grande campagne de mobilisation pour obtenir la réintégration de ce salarié, fait le lien avec Paris, intervient dans la presse et gagne. Il remporte d’ailleurs l’élection législative partielle qui suit immédiatement et cela fut le premier affrontement de classe pour cet enfant de la République. Il est à nouveau élu lors des nouvelles élections générales de 1893. A partir de cette date, il s’engage de plus en plus dans le camp du socialisme et de la classe ouvrière, il démultiplie son activité journalistique, est présent partout pour soutenir la cause de ceux qui travaillent. C’est ainsi qu’en 1896, il soutient les verriers d’Albi et apporte tout son aide à la création de leur coopérative.
Il est aussi l’homme de la lutte contre toutes les injustices. En 1898, il s’engage dans la défense de Dreyfus accusé et condamné parce que juif. Jaurès ne fut pas le premier de ses soutiens et a cru, comme beaucoup, à sa culpabilité, mais devant les faits, il s’engage à fond et intervient à l’Assemblée. C’est lui qui relancera plus tard la mobilisation pour obtenir l’annulation du jugement, ne voulant pas se contenter d’une grâce octroyée d’en haut. « Je ne vous oublierai pas avait-t-il dit à Dreyfus », il tint une nouvelle fois sa promesse. On voit bien là, la force d’analyse et de réflexion de Jaurès, du journaliste qu’il était, qui ne se contente pas de relater des faits avérés ou non, mais qui essaie de les comprendre, après les avoir analysés.
Cette démarche devrait s’appliquer plus largement à notre peuple. En effet, nous devons aujourd’hui faire comprendre que tout ce qui est dit, notamment dans les médias, voire les réseaux sociaux, n’est pas obligatoirement la vérité. C’est d’autant plus vrai que les faits eux-mêmes, la réalité, contredisent souvent cette « vérité annoncée ». C’est d’ailleurs à propos de l’affaire Dreyfus et de la place que devait tenir la campagne de mobilisation dans l’action des socialistes que Jaurès débat avec Jules Guesde, l’autre grand dirigeant socialiste de l’époque. Fallait-il que les socialistes s’engagent dans la défense de ce Dreyfus issu des milieux bourgeois et militaires ? Ou fallait-il donner la priorité seulement à la question sociale ? Pour Jaurès, le socialisme doit être l’accomplissement de la justice. Il ne faut donc accepter aucune injustice, et il participera à l’unification de tous les courants socialistes pour créer la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1905.
Il créé l’Humanité, qui est imprimé dès le 18 avril 1904
C’est aussi à cette période qu’il fonde le journal l’Humanité. Ce journaliste méticuleux, cet homme de conviction, de plus en plus engagé, a travaillé à La Dépêche du midi, ou à La Petite République avant de se lancer dans l’aventure de l’Humanité dont le premier numéro sort le 18 avril 1904. Dans l’édito de ce premier numéro, il y précise : « Le titre même de ce journal, en son ampleur, marque exactement ce que notre parti se propose. C'est, en effet, à la réalisation de l'Humanité que travaillent tous les socialistes. L'Humanité n'existe point encore ou elle existe à peine. A l'intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée par l'antagonisme des classes, par l'inévitable lutte de l'oligarchie capitaliste et du prolétariat. »
Nous sommes cent quatorze ans plus tard, et la lutte des classes existe toujours, même si les pouvoirs au service de l’argent, les média tentent d’accréditer l’idée qu’elle a, ou aurait, disparu, que la classe dirigeante des banquiers, des financiers, en un mot du capitalisme, a définitivement gagné et qu’il ne servirait plus à rien de se battre pour changer les choses. L’argent domine la société mondialisée et ce serait une fatalité, une donnée quasiment scientifique. C’est, en tout cas, ce que l’on voudrait nous faire croire.
C‘est ainsi que les forces réactionnaires ont misé lors de la présidentielle de 2017, sur le candidat Macron, ce « jeune » banquier d’affaire formé à la banque Rothschild pour faire passer au mieux ses intérêts. Depuis, le « président des riches » leur répond de manière très favorable puisqu’il entend avec ses amis « En Marche » supprimer de la Constitution les mots « Sécurité sociale » pour les remplacer par « protection sociale » niant ainsi les acquis ou plutôt les conquis du programme du Conseil national de la Résistance, le CNR, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Pour autant, les communistes du XXIe siècle, ces insoumis à la domination de l’argent sur la société, malgré des reculs électoraux, sont toujours présents et bien vigoureux comme le démontrent chaque jour nos parlementaires qui luttent contre la politique gouvernementale.
Jaurès est aussi un des principaux artisans de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, qui, quoi qu’on en dise parfois, fonde aujourd’hui notre « vivre ensemble ». Il a su ainsi trouver la voie d’un compromis, mais d’un compromis de progrès, avec une loi qui permette à tous de se retrouver dans le respect de la liberté de conscience et de la neutralité de l’Etat en matière religieuse. Une loi véritablement de laïcité. Des compromis sans compromission, et toujours dans l’intérêt des populations, telle pourrait être une définition de l’action de Jaurès.
Le journal du mouvement social
En 1910, il œuvre ainsi pour les retraites ouvrières, premiers pas vers une sécurité sociale qui ne sera mise en œuvre que trente-cinq ans plus tard sous l’impulsion du ministre communiste Ambroise Croizat et qui est aujourd’hui dans la ligne de mire du gouvernement aux ordres du patronat. Jaurès a toujours pensé que les révolutionnaires devaient prendre toute leurs responsabilités, mais à condition d’aller vers du mieux et non pour accepter les pires reculs au nom d’un certain réalisme et surtout de l’impuissance politique. Les réformes pour lesquelles il se bat, il les rattache à un horizon, celui, même au sein d’un cadre capitalisme, du socialisme, d’un communisme à construire.
Avec son journal, l’Humanité, qui est le nôtre aujourd’hui, celui du mouvement social bien au-delà des seuls communistes, avec ce journal qu’il veut socialiste et indépendant, il pourra intervenir dans tous les débats et surtout ceux autour de la paix. Rappelons qu’il y a un siècle, seule la presse écrite permettait de transmettre les informations et les commentaires ou analyses s’y rapportant. Le lancement d’un nouveau journal était un acte politique majeur. Nous devons encore aujourd’hui avoir cela à l’esprit quand nous défendons notre presse contre les attaques dont elle est la cible.
Notre journal, notre « Huma », est en grande difficulté, par la volonté de ceux qui veulent que rien ne change, et il est de la responsabilité des communistes notamment, de le défendre en le faisant connaître, en proposant l’abonnement, mais aussi en achetant la vignette, bon de soutien qui donne droit à une entrée gratuite à la fête. C’est cela aussi faire vivre au quotidien l’esprit de Jaurès.
Pour les communistes, Jaurès reste une référence majeure, bien au-delà du fait qu’il soit le fondateur de notre journal. Nous y voyons d’abord la morale en politique quand celle-ci se trouve disqualifiée aux yeux de nos concitoyens par les affaires impliquant des personnages gravitant autour des plus hautes fonctions de l’Etat. Le débat actuel sur la révision Constitutionnelle qui tend vers un régime hyper présidentialiste ou qui va « tout droit vers un présidentialisme absolu » comme le titrait l’Huma dimanche du 28 juin 2018. Cette morale en politique est bien mise à mal aujourd’hui avec les évolutions de l’affaire Benalla, ce nervi à la solde du président de la République, et la notion d’impunité qui y était liée, sur fond de mépris de l’exécutif face au Parlement, face aux représentants du peuple, surtout quand ceux-ci ne soutiennent pas les orientations gouvernementales. Nous y voyons le combattant pour la paix quand la guerre redevient le moyen d’assurer les intérêts capitalistes dans le monde. Nous y voyons le champion de la justice sociale alors qu’aujourd’hui les réformes gouvernementales sont malheureusement synonymes de régression sociale, et ce ne sont pas les cheminots qui diront le contraire ! Nous y voyons le militant de chaque instant prêt à défendre ses idées jusqu’à mourir pour celles-ci, mais « pas de mort lente » comme le chantait Brassens.
Des valeurs de paix, de justice, de liberté, de laïcité
Bien sûr, le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de Jaurès. Je ne sais si Jaurès aurait été communiste en 1920, mais la direction qu’il nous a montré, autour des valeurs de paix, de justice, de liberté, de laïcité ont été reprises par celles et ceux qui ont décidé de devenir le Parti communiste français. En 1901, il écrit dans Etudes socialistes que « le communisme doit être l'idée directrice et visible de tout le mouvement ». Il n’est pas innocent non plus que le journal de Jaurès soit devenu tout naturellement celui du Parti communiste et qu’il continue de véhiculer les mêmes valeurs. Nous avons besoin d’inscrire le combat global pour l’émancipation humaine, pour une transformation profonde de la société, dans une démarche, et celle-ci passe par la mémoire ineffaçable de Jaurès.
Nous sommes à quelques mois de l’élection européenne du 26 mai 2019, à l’heure où de nombreux pays européens se tournent vers l’extrême droite. On assiste, y compris en France, à une montée de nationalismes qui sont les ferments de conflits entre les peuples, conflits qui ne peuvent servir que les intérêts des capitalistes, des plus riches. Il parait donc important de rappeler les positions de Jaurès et notamment de le citer : « L’ivresse nationaliste détourne les prolétaire du problème social ! » Et il ajoutait dans son discours du 25 juillet 1914 à Lyon : « Jamais depuis quarante ans l'Europe n'a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l'heure où j'ai la responsabilité de vous adresser la parole. »
Ne nous laissons pas attirer par les sirènes du libéralisme, de repli nationaliste sur soi et menons une campagne sur nos valeurs de paix, de liberté, de fraternité et d’égalité dans le seul intérêt des populations. Communistes du XXe, puis maintenant du XXIe siècle, nous sommes les continuateurs, pas seulement de Jaurès évidemment, mais bien de sa philosophie, de son approche de la société et de ses évolutions. C’est dans cet esprit que va se tenir, dans quelques jours, les 14, 15 et 16 septembre au Bourget, la fête de l’Humanité, l’évènement politique de la rentrée, trop souvent passé sous silence par les média malgré les plus de 500 000 personnes qui y participent sur un week-end. Ce sera un moment de luttes en cette rentrée, notamment contre la volonté du Président de la république et du gouvernement de casser la démocratie.
Cette Fête de l’Humanité sera ponctuée de nombreux débats, notamment en cette période, pour les communistes de préparation de leur congrès, un congrès qui doit rendre notre parti plus efficace dans sa lutte contre le capitalisme et ses dégâts, plus identifiés comme donnant des perspectives politiques aux luttes… Elle sera aussi un grand moment festif, avec, comme chaque année, un plateau d’une grande diversité autant que de grande qualité.
Voilà, mesdames, messieurs, cher(e)s ami(e)s, chers camarades, je conclurais cette intervention avec une citation de Jaurès issue de son discours à la jeunesse de 1903 : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » Tel est bien, aujourd’hui, l’activité permanente des communistes et de leurs élus à tous les niveaux.
Olivier Christol